Le sonnet quinzain : Hiver.

Hiver

Ce matin tout est blanc, l’horizon se prélasse,
Tarde à se velouter pour flatter mon jardin,
Figé dans la torpeur d’un frisson smaragdin,
Quand la morte-saison s’admire dans la glace !

Mon petit univers que le mystère enlace,
Dans son manteau neigeux, réalise soudain,
Que le bonhomme Hiver, armé de son gourdin,
N’est pas prêt de s’enfuir même de guerre lasse !

Un silence étonnant s’empare des bois nus,
Et l’oiseau qui grelotte a gonflé son plumage,
Tous les chants merveilleux que sont-ils devenus ?

Même le vent se tait, comme on rend un hommage ;
Adieu les fleurs des champs ! Bonjour rameaux chenus !
Tous les fils de l’espoir, fragiles et ténus,

Pleurent le souvenir des beaux jours de chaumage…

Annie

Le sonnet hétérométrique : Dans l’aube rouge.


Dans l’aube rouge

Dans le feu du matin la rivière frissonne,
Le ciel est-il jaloux ?
Veut-il garder pour lui cet astre qui moissonne
Au sommeil des hiboux ?

Mais comment résister à l’aube qui s’étire
Dans son lit de roseaux,
Quand Nyx à pas feutrés s’éloigne et puis soupire,
Réveille les oiseaux ?

Laissant tomber son voile et sa noire tenue,
Elle se sauve enfin,
Craignant que le soleil ne la découvre nue !

Enivré d’un parfum,
Le jour relève alors sa chevelure blonde,
Pour se mirer dans l’onde.

Annie

Le sonnet français : Premier Noël.

Sculpture de mon amie Christiana

Premier Noël

Alba, petite fée, à l’aube de la vie,
Sais-tu que c’est le ciel et sa lune en bouton,
Qui détient les secrets du plus petit santon,
Celui qui tous les ans ranime notre envie ?

Après la longue attente, à table on le convie,
Pour admirer sa grâce et le joli peton,
Qui dépassant parfois des langes de coton,
Donne au baiser le goût d’une pêche pavie !

En ce premier Noël, on en perd la raison
Quand ton clair gazouillis enchante la maison,
Et chacun d’applaudir ta mignonne frimousse !

Devant tant de candeur même le ciel sourit,
Et le gentil berger à genoux sur la mousse,
Ajoute à son respect la foi qui s’attendrit !

Annie

Le sonnet Lozérien : Rêve de Cardabelle.

Rêve de cardabelle

J’aurais aimé cueillir la fleur de cardabelle
Au pied du lavandin ;
Peut-être savez-vous qu’il n’est pas anodin
De froisser son labelle ?

J’ai parcouru le Causse en quête de la belle,
Non pas pour mon jardin,
Je voulais simplement éloigner le gourdin,
Grâce à la sentinelle !

Hélas, je n’ai trouvé ni l’œillet grenadin,
Ni même l’asphodèle,
Charmés par le grand cœur d’un gentil baladin !

Bergère sans agnelle,
J’ai vu s’épanouir mon désir citadin
Dans l’or d’une aquarelle !

Annie

Le sonnet marotique : A toi chapelle Saint Lazare.

A toi chapelle Saint Lazare

Chapelle Saint Lazare au calme assourdissant,
Que j’aime à me lover dans le creux de ton âme,
Timide malgré tout face à la grande Dame,
Couvant son nourrisson d’un regard caressant !

Magnifique est le lieu, simple et compatissant,
Depuis qu’un grand seigneur, en guise d’épigramme,
Fit dresser ton autel pour enrayer le drame,
Quand la lèpre à nouveau brisa l’amour naissant.

Ce passé douloureux, niché dans ta pierraille,
Agite quelquefois la cloche qui déraille,
Tel un pleur étouffé par un gant de satin.

Dès que l’astre du soir fredonne sa prière,
Des parfums d’églantine et de tendre bruyère
Montent jusqu’aux vitraux flattés par le lointain !

Annie

Le Doublet : Octobre.

Merci à Annick pour son retour de lecture !

Octobre

Cyclamen mon ami, te voici de nouveau !
Après avoir souri sous le ciel qui rayonne,
Tu renais quand la feuille au jardin tourbillonne,
Avant les jours frileux, tisse ton écheveau !

L’oiseau n’a plus de nid, volant de branche en branche,
Il chante le soleil qui pâlit doucement
Quand le nuage gris, sans aucun sentiment,
Gomme tous les espoirs, comme un fil qu’on débranche !

Bientôt le chrysanthème, à l’ombre d’un caveau,
Aux cheveux plus bouclés que ceux d’une lionne,
Enchantera les lieux d’une humeur frétillonne
Pour nous faire oublier les pleurs du caniveau…

Et dans le vent follet la douceur se retranche
Afin de laisser place au plus beau flamboiement,
Celui d’une nature avant le dénouement
De la saison d’automne et de sa poigne franche !

Annie

Le sonnet marotique : Début d’automne.

Début d’automne

Oh le beau champignon ! est-ce une coulemelle ?
Vite, allons dans les bois récolter le trésor,
D’un automne attentif à nous offrir son or,
Tandis que le ciel bleu doucement se pommelle !

Quelques feuilles déjà s’amusent pêle-mêle
A former sur le sol, dans un dernier essor,
Un somptueux tapis pour conjurer le sort
D’un été plutôt las de traîner la semelle !

L’hirondelle a choisi de suivre son instinct,
Comme il va nous manquer son joyeux baratin,
Mais Rouge-gorge est là pour nous égayer l’âme !

Bientôt le jour sera plus court que de raison,
Il faudra réveiller de l’âtre le tison,
Et l’espoir reviendra se chauffer à sa flamme !

Annie Poirier

Le sonnet marotique : Mystérieuse nuit.

Merci à mon amie de plume, Maria pour sa superbe mise en page de mon poème  !

Mystérieuse nuit

Pendant que nous dormons, la nuit sort sa dentelle ;
Les masques de velours, riches de leur instinct,
Dessinent dans le noir les nœuds d’un serpentin,
Qu’un indiscret reflet chahute et démantèle.

Tout un peuple animal, sous le ciel qui constelle,
S’apprête à recueillir sa part d’un grand festin,
Que chaque noctambule, avant l’or du matin,
Tente de dénicher sous un pied de sautelle…

La belle lune rousse ajoute au vers luisant
Le pouvoir d’éclairer le mystère apaisant
De Nyx dont les froufrous câlinent un nuage !

Quand bien même frétille un pauvre moucheron
Pris au piège mortel d’un savant napperon,
Dès que le soir s’endort, le jour reprend l’ouvrage !

Annie

Stances pour le mariage de ma fille !

Pour Fanny, pour Julien

Joli bouton de fleur, toi miracle absolu,
L’hiver était si blanc, que ton cri de victoire,
Charma tous les flocons et tout un auditoire,
Les parents, les amis, le nuage joufflu !

La vie à la maison prit une autre tournure,
Deux yeux malicieux prédisaient l’avenir,
Bien loin d’imaginer que des mois à venir,
Nous n’étions qu’au début de la grande aventure !

Sportive dans le sang, puisque tu marchas tôt,
Tu suivis ton grand frère au pas de gymnastique ;
La poutre, le cheval et la danse artistique,
Me conduisaient sans cesse à prendre la photo !

Quant à papa bien sûr, habile bricoleur,
Tout fier des qualités de notre benjamine,
Il installa sitôt, en plus d’un trampoline,
De curieux agrès pour encor plus d’ampleur !

Ainsi coula le temps entre pommiers et roses,
L’école, les copains, maintes activités,
Comblaient ton appétit en marge des étés,
Quand Vendée et Corrèze ourlaient leurs primeroses…

Au lieu dit La Chapelle, au milieu des chevaux,
Quand toi tu jubilais sur ta noble monture,
Nous te suivions à pied, craignant la courbature,
Je n’oublierai jamais tous ces jours estivaux.

Dans un célèbre Parc, ce fut l’apothéose,
Au paradis des fous de spectacles vivants,
Après avoir testé des rôles captivants,
C’est pour le flamenco qu’eut lieu la belle osmose !

Il fallait bien qu’un jour se brise un peu le lien,
Angoulême et son art avait l’âme occitane,
Tu dansas plus encor ma petite gitane,
Ton charme fit craquer notre gentil Julien !

Un premier rendez-vous pour te conter fleurette,
Beaucoup d’autres, c’est sûr, on ne se doutait pas
Qu’on devrait rajouter un couvert aux repas,
Et que le ciel ému bénirait l’amourette !

En plein cœur du bocage, il est une maison,
Qui garde vos secrets dans un écrin de pierre,
Se montrant cependant toujours hospitalière,
Elle s’ouvre aux amis, qu’importe la saison !

Bazoges et Jallais, en passant par Mortagne,
Madère pour l’été, sont vos lieux favoris ;
On ne peut pas toujours annoncer le ciel gris,
Vous aimez tous les deux taquiner la montagne !

Si l’amour est sincère, il réclame le fruit,
Et quand l’enfant paraît tout le monde est aux anges,
Une petite Alba fait chanter les mésanges,
Tandis que le silence applaudit le doux bruit !

Et quant à toi, Julien, heureux du babillage,
Perché sur l’île aux fleurs, dès que minuit sonna,
Tu déclaras ta flamme à ta Séraphina,
En lui passant l’anneau, gage de mariage !

Tous ici réunis pour cet engagement,
Nous vous offrons nos vœux et leur flot de tendresse,
Vive ce jour sacré que le bonheur caresse,
Il a plus de valeur qu’un cœur de diamant !

Annie